๐Ÿ‡ซ๐Ÿ‡ท - Shandur Polo Festival

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Les chroniques du monde qui coule
8 min โ‹… 02/08/2023

Du 07 au 09 juillet, dans le nord du Pakistan, a lieu un รฉvรฉnement bien particulier. 

Cโ€™est une fรชte mais cโ€™est aussi un affrontement, cโ€™est une rencontre des cultures mais cโ€™est aussi une โ€œguerre sans armesโ€ aux yeux des locaux.
Cโ€™est une confrontation entre deux provinces qui se joue, lร  oรน se rejoignent deux chaรฎnes de montagnes mythiques : Le Gilgit-Baltistan, union des royaumes de lโ€™Himalaya, contre son rival de toujours, le district de Chitral et les fils de lโ€™Hindu Kush. 
Cโ€™est une passe en haute montagne qui se transforme provisoirement en village de tentes, avec son bazar, son abattoir et ses diffรฉrents quartiers, mais surtout avec ton son stade. 
Cโ€™est lโ€™apothรฉose dโ€™une rivalitรฉ sportive qui se joue ร  3800 mรจtres dโ€™altitude, un match de โ€œfreestyle poloโ€ comme on le pratique ici, c'est-ร -dire sans rรจgles, sans arbitre et au pรฉril de sa vie. 
Cโ€™est le festival de polo de Shandur auquel jโ€™ai eu la chance dโ€™assister, et dont je vous livre ici quelques impressions. 


Avant toute chose, il faut savoir que Shandur se mรฉrite. Lโ€™aรฉroport le plus proche est ร  3 jours de route, et ce ne sont pas des routes pour les faibles dโ€™esprit. Jโ€™avais dรฉjร  tentรฉ de passer ce col lโ€™hiver dernier, et avait dรป renoncer devant les piles de neige qui sโ€™y amoncellaient.
Le chemin de Shandur passe par des vallรฉes isolรฉes, des pistes difficiles et des virages enneigรฉs. Le voyageur doit affronter des lรฉgions de nids-de-poule, traverser des riviรจres et trouver son chemin dans les alpages pour enfin atteindre sa destination. 


Sur la route de ShandurSur la route de Shandur

Lorsque le campement apparaรฎt ร  lโ€™horizon, il semble un mirage tant sa prรฉsence est incongrue ici. Cโ€™est le dรฉbut dโ€™une chaรฎne de montagnes et la fin dโ€™une autre, un passage symbolique encerclรฉ de monts enneigรฉs. Ici sโ€™achรจve lโ€™Himalaya et commence lโ€™Hindu Kush, la chaรฎne de montagne qui traverse lโ€™Afghanistan et le Pakistan, cรฉlรจbre pour le chanvre qui y pousse partout et pour avoir servi de refuge aux combattants afghans depuis des siรจcles.
Des bords du lac dโ€™eau pure, les tentes sโ€™amoncellent et grimpent aux flancs des montagnes. De la route qui mรจne ร  Chitral comme de celle qui vient de Gilgit, les locaux se pressent en processions de 4x4, de motos ou de minivans surchargรฉs. Chacun se hรขte pour trouver un emplacement oรน camper, prรฉparer la fรชte du soir et retrouver ses amis avant le dรฉbut des matchs. 


Au cล“ur de lโ€™animation, il y a le stade.

Cโ€™est une รฉtendue dโ€™herbe plus ou moins plate, entourรฉe de gradins construits avec les cailloux des plateaux environnants. Dans la pure tradition du polo ร  la pakistanaise, le terrain fait le quart de la taille voulue par les normes officielles, et les hommes des montagnes viennent par milliers assister au spectacle.

Le stade de Shandur et, ร  l'arriรจre plan, son village de tentesLe stade de Shandur et, ร  l'arriรจre plan, son village de tentes

Le polo est considรฉrรฉ de par le monde comme un sport รฉlitiste, pratiquรฉ par des privilรฉgiรฉs qui se plient ร  une รฉtiquette stricte.
Ici, le polo est un sport dโ€™hommes rudes qui se distinguent par leur courage, leur รขpretรฉ au combat, et qui sโ€™inquiรจtent de lโ€™รฉtiquette comme ils respectent le code de la route (cโ€™est ร  dire pas du tout). 

Il y a chaque annรฉe de nombreux blessรฉs parmi les joueurs, et parfois des morts. 

La mort fait, de toute faรงon, partie de lโ€™histoire de ce festival depuis sa crรฉation en 1936. 

ร€ lโ€™รฉpoque, les participants sโ€™รฉlancaient ร  la tรชte de caravanes de chevaux et de mules sur les chemins escarpรฉs qui mรจnent ร  cet alpage, et des hommes mourraient systรฉmatiquement en chemin. Aujourdโ€™hui, il nโ€™y a plus que les joueurs qui prennent de gros risques, et plusieurs dโ€™entre eux devront รชtre รฉvacuรฉs aprรจs des chutes, dont un dans un รฉtat extrรชmement critique : Il a รฉtรฉ รฉcrasรฉ par la masse de deux chevaux. 

Lโ€™hรดpital de campagne le plus proche est ร  4h de route dโ€™une piste rocailleuse. 


Lors de la seconde journรฉe du festival ont lieu 4 matchs qui voient sโ€™affronter les รฉquipes 5, 4, 3 et 2 des deux districts. La grande finale entre les deux รฉquipes 1 est rรฉservรฉe pour le lendemain, mais nโ€™allez pas croire que ces matchs prรฉliminaires sont sans enjeux. 

Les joueurs de polo sont ici des stars dont la foule scande les noms lorsquโ€™ils entrent sur le terrain, dans un รฉtat dโ€™esprit quโ€™on imagine pas si diffรฉrent de celui des gladiateurs dโ€™antan. 

Leurs chevaux sont des bรชtes magnifiques, aux musculatures fines et aux yeux intelligents. Il leur arrive aussi de mourir sur ce terrain, dโ€™une mauvaise chute ou lorsquโ€™un cavalier emportรฉ par son รฉgo oublie de mรฉnager sa monture. 

Le jeu alterne entre des pรฉriodes de confusion, oรน les joueurs sont au contact, et de subites envolรฉes oรน les montures sont lancรฉes ร  pleine vitesse. Lorsquโ€™un joueur parvient ร  envoyer la balle entre les poteaux adverses, une moitiรฉ de la foule exulte et envahit le terrain pendant que lโ€™autre grommelle dans sa barbe. Tout le monde ici est un fervent supporter de son camp, mais les gradins sont mรฉlangรฉs, et lโ€™atmosphรจre reste bon enfant, et la dignitรฉ rรจgne dans la victoire comme dans la dรฉfaite. 

Au plus prรจs de l'action

La nuit est tombรฉe sur le camp de toile et de mรฉtal, et la lumiรจre chaude des feux des hommes rรฉpond, en miroir, ร  la clartรฉ froide des feux des รฉtoiles. 

Les yaks, les chรจvres et les poulets sont abattus par centaines pour nourrir les humains affamรฉs. Ils sont รฉgorgรฉs ร  mรชme le sol, en plein air, et ils se vident de leur sang dans la direction de la Mecque car cโ€™est ainsi que le dicte la tradition ancestrale. 

Lโ€™occidental en moi plaint les bรชtes et frรฉmit ร  la vue du sang, mais il est bon de se confronter ร  la rรฉalitรฉ de ce quโ€™implique la consommation de viande; choisir un morceau de rouge dans une barquette blanche dans les rayons propres dโ€™un supermarchรฉ รฉtablit une dรฉconnexion malsaine entre nos pratiques alimentaires et la rรฉalitรฉ de la mise ร  mort dโ€™un รชtre sensible. 

Un vendeur de poulet dans le bazar de ShandurUn vendeur de poulet dans le bazar de ShandurUn boulanger et son four ร  pain fait de roche et de boueUn boulanger et son four ร  pain fait de roche et de boueL'un des bouchers s'affaire sur la peau d'une vache (je vous ai รฉpargnรฉ les images les plus trash)L'un des bouchers s'affaire sur la peau d'une vache (je vous ai รฉpargnรฉ les images les plus trash)

La fรชte au Pakistan se pratique entre hommes, dans une tente au sol couvert de tapis. On y chante des chansons tristes qui parlent dโ€™amour, de montagnes et de bergers perdus dans les immensitรฉs. On y boit en cachette de lโ€™alcool artisanal ร  70ยฐ, et on y fume un hashish gras qui passe pour un des meilleurs du monde. 

Je passe de tente en tente en suivant les amis rencontrรฉs au cours de la journรฉe et qui sont devenus mes hรดtes. Bienvenu dans chaque tente, assis ร  la meilleure place, abreuvรฉ dโ€™eau-de-vie et de fumรฉes enivrantes, le statut dโ€™invitรฉ au Pakistan dรฉmontre encore une fois tout son pouvoir, dans ce pays de lโ€™hospitalitรฉ reine. 

Le froid polaire qui rรจgne au dehors sโ€™oublie dans la chaleur de l'accueil, dans celle de lโ€™alcool et dans le plaisir de convive. 

Dรฎner avec nos nouveaux amisDรฎner avec nos nouveaux amisRelaxation et discussion culturelle sous la tenteRelaxation et discussion culturelle sous la tente

Le soleil est levรฉ maintenant, et lโ€™excitation des jours de match rรจgne dans le camp. Des deux cรดtรฉs du col on attend ce jour toute lโ€™annรฉe, cโ€™est la finale. 

Des files de voitures sont alignรฉes dans les deux sens, le long de la seule route qui traverse ces contrรฉes isolรฉes : Des participants prรฉvoyants ont dรฉjร  pliรฉ bagages, ils prendront la route dรจs la fin du match pour retourner ร  la chaleur de leurs foyers ou ร  la duretรฉ de leurs labeurs. 

Le stade est bondรฉ, et un cordon de policiers ร  lโ€™air menaรงant protรจge le terrain en agitant des bรขtons. Cela nโ€™impressionne en rien les hordes de spectateurs surexcitรฉs qui titillent les policiers en leur jetant des cailloux dรจs quโ€™ils ont le dos tournรฉ, et qui se rapprochent du terrain ร  chaque but marquรฉ en profitant de la cohue. 

Le match est de haut-vol, les joueurs sont des athlรจtes qui semblent planer sur leurs somptueuses montures, et lโ€™excitation semble atteindre les sommets qui entourent le terrain. 

Soudain, tout sโ€™arrรชte, le match est fini, le terrain envahi, et les joueurs de Chitral sont portรฉs en triomphe par une foule en dรฉlire. 

Lโ€™autre partie de la foule, elle, se rue vers sa voiture ou sa moto pour se presser de redescendre vers chez elle, et ainsi รฉviter les embouteillages monstres et les nuages de poussiรจre soulevรฉs de la piste. 


Je ne vous ai rien dit de la beautรฉ des danses traditionnelles, de la majestรฉ des alpages ou de la dignitรฉ des vieillards. Je ne vous ai rien dit du bazar qui pullule, des gamins qui parcourent le camp librement et des รฉtincelles dans les yeux des hommes, mais je lโ€™ai fait exprรจs. 

Je me dis que, comme รงa, รงa vous donnera peut-รชtre un peu envie de venir voir par vous mรชme.

SHANDUR POLO FESTIVAL - ENGLISH VERSION

From 07 to 09 July, a very special event is taking place in northern Pakistan.

It's a festival, but it's also a confrontation, a meeting of cultures, but it's also an "unarmed war" in the eyes of the locals.

It's a confrontation between two provinces, where two mythical mountain ranges meet: Gilgit-Baltistan, the union of the Himalayan kingdoms, against its arch-rival, the district of Chitral and the sons of the Hindu Kush.

This high mountain pass is temporarily transformed into a tent city, with its bazaar, its slaughterhouse and its various districts, but above all with its stadium.

It's the apotheosis of a sporting rivalry played out at an altitude of 3,800 metres, a 'freestyle polo' match as it is practised here, in other words, with no rules, no referees and at the risk of one's life. I was lucky enough to attend the Shandur polo festival, and I'd like to share a few impressions with you.

First and foremost, Shandur has to be earned. The nearest airport is a 3-day drive away, and these are not roads for the faint-hearted. I had already tried to cross this pass last winter, and had to give up because of the piles of snow.
The road to Shandur passes through isolated valleys, difficult tracks and snow-covered bends. The traveller must face legions of potholes, cross rivers and find his way through the mountain pastures before finally reaching his destination.

When the camp appears on the horizon, it seems like a mirage, so incongruous is its presence here. It's the beginning of one mountain range and the end of another, a symbolic passage encircled by snow-capped mountains. Here ends the Himalayas and begins the Hindu Kush, the mountain range that runs through Afghanistan and Pakistan, famous for the hemp that grows everywhere and for having served as a refuge for Afghan fighters for centuries. From the shores of the pristine lake, the tents pile up and climb the mountainsides. From the roads leading to Chitral and Gilgit, the locals throng in processions of overloaded 4x4s, motorbikes and minivans. Everyone is in a hurry to find a place to camp, prepare for the evening party and meet up with friends before the matches start.

On the road to ShandurOn the road to Shandur

At the heart of the action is the stadium.

It's a more or less flat expanse of grass, surrounded by bleachers built from the stones of the surrounding plateaux. In the pure tradition of Pakistani polo, the pitch is a quarter of the size required by official standards, and the mountain men come in their thousands to watch the spectacle.

Around the world, polo is regarded as an elitist sport, practised by the privileged few who abide by strict etiquette.

Here, polo is a sport for rugged men who distinguish themselves by their courage, their fierceness in battle, and who worry about etiquette in the same way as they respect the traffic laws (which is to say, not at all).

Every year, many players are injured, and sometimes killed. In any case, death has been part of the festival's history since it was founded in 1936.

Back then, the participants would set off at the head of caravans of horses and mules along the steep paths leading to this mountain pasture, and men would systematically die along the way. Today, it is only the players who take great risks, and several of them will have to be evacuated after falls, including one in an extremely critical condition: he was crushed by the mass of two horses.

The nearest field hospital is a 4-hour drive down a rocky track.

The stadium, and the camp in the backgroundThe stadium, and the camp in the background

The second day of the festival sees 4 matches between teams 5, 4, 3 and 2 from the two districts. The grand final between the two "team 1" is reserved for the following day, but don't think that these preliminary matches are without stakes.

The polo players here are stars whose names are chanted by the crowd as they take to the field, in a state of mind not dissimilar to that of the gladiators of yesteryear.

Their horses are magnificent beasts, with fine muscles and intelligent eyes. They can also die on the pitch, from a bad fall or when a rider carried away by his ego forgets to treat his mount with care.

The game alternates between periods of confusion, when the players are in contact, and sudden bursts of speed. When a player manages to send the ball between the opposing posts, one half of the crowd exults and invades the pitch while the other grumbles under their breath.

Everyone here is a fervent supporter of their side, but the stands are mixed, and the atmosphere remains good-natured, with dignity reigning in victory and defeat alike.


Night has fallen on the camp of canvas and metal, and the warm light of the men's fires is mirrored by the cold brightness of the stars.

Hundreds of yaks, goats and chickens are slaughtered to feed the starving humans. Their throats are slit on the ground, in the open air, and they bleed in the direction of Mecca, because that's how ancestral tradition dictates.

The Westerner in me feels sorry for the animals and shudders at the sight of blood, but it's good to face up to the reality of what eating meat involves; choosing a piece of red from a white tray in the clean aisles of a supermarket establishes an unhealthy disconnect between our eating practices and the reality of the killing of a sentient being.

A chicken seller in the bazaar of ShandurA chicken seller in the bazaar of Shandur

A baker and his DIY ovenA baker and his DIY oven

A butcher working on a cow skin ( one of the least shocking image I have) A butcher working on a cow skin ( one of the least shocking image I have)

The festivities in Pakistan are held between men, in a tent with a carpeted floor.

They sing sad songs about love, mountains and shepherds lost in the vastness. They secretly drink homemade 70ยฐ alcohol and smoke a greasy hashish that is considered to be one of the best in the world.

I move from tent to tent, following the friends I've met during the day who have become my hosts.

Welcome in each tent, seated in the best place, drunk with brandy and intoxicating smoke, the status of guest in Pakistan once again demonstrates all its power, in this country of supreme hospitality.

The polar cold outside is forgotten in the warmth of the welcome, the alcohol and the pleasure of company.

Dinner with new friendsDinner with new friends

The sun is up now, and the excitement of match days is reigning in the camp. People on both sides of the pass have been waiting all year for this day - it's the final.

Lines of cars are lined up in both directions along the only road that crosses these isolated regions: Some of the participants have already packed their bags, and will hit the road as soon as the match is over to return to the warmth of their homes or the hardship of their labours.

The stadium is packed, and a cordon of menacing-looking police officers protects the pitch by waving batons. This in no way impressed the hordes of overexcited spectators who tease the police by throwing small stones at them as soon as their backs were turned, and who approached the pitch with every goal scored, taking advantage of the chaos.

The match is high-flying, the players are athletes who seem to glide on their sumptuous steeds, and the excitement seems to reach the heights surrounding the pitch.

Suddenly everything stops, the match is over, the pitch is invaded and the Chitral players are carried in triumph by the cheering crowd. The other part of the crowd rushes to their cars or motorbikes to hurry back home and avoid the huge traffic jams and the clouds of dust raised from the track.


I haven't told you about the beauty of the traditional dances, the majesty of the mountain pastures or the dignity of the old men.
I haven't told you about the bazaar that pulsates, the children who roam freely around the camp and the sparkle in the men's eyes, but I've done it on purpose.

I thought that, like this, it might make you want to come and see for yourself

Les chroniques du monde qui coule

Les chroniques du monde qui coule

Par Les Chroniques du monde qui coule (Hippolyte)

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