Les chroniques du monde qui coule

Paris - Katmandou en autostop. Parti à la découverte du monde et des humains, je vous propose ici un témoignage pseudo-journalistique, à hauteur d'homme et de paysage.

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Par Les Chroniques du monde qui coule (Hippolyte)
15 juin · 3 mn à lire
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🇫🇷 Pakistan - La politique du Youtubeur

🇬🇧 Pakistan - The youtube policy

🇫🇷🇫🇷🇫🇷

Pour redorer une image ternie par les médias occidentaux, et le fait d’être le pays qu’Oussama Ben Laden choisit pour se cacher après le 11 septembre (avec le succès qu’on sait), le Pakistan a mis en place une politique qui me semble intéressante.

Afin de relancer le tourisme dans ce pays très beau mais qui fait peur aux mamans (notamment la mienne), le gouvernement accueille à bras ouverts les youtubeurs de tous pays, qui viennent montrer le “vrai Pakistan” et participent ainsi à la déconstruction des clichés.
Il est surprenant pour un backpacker de s’entendre demander 3X par jour s’il est célèbre sur Youtube, mais il faut comprendre les locaux ! Un étranger sur deux qui vient ici le fait en partie pour les clics.
Pour en avoir discuté avec une star de la plateforme dont je tairai le nom, on peut dire que c’est une situation gagnant/gagnant : Le Pakistan fascine, et il m’a confié avoir triplé son nombre de followers lors de son premier voyage ici. Du point de vue des officiels pakistanais, c’est également une aubaine ! Des touristes professionnels aux millions d’abonnés veulent parler de leur pays, et remplacent les chaînes de télévision sensationnalistes qui viennent uniquement pour parler Kashmir et terrorisme.
Il me semble pourtant dérangeant que le ministère du tourisme de chaque province sache exactement quel vidéaste se trouve où, et pour filmer quoi. Pour avoir fréquenté un fonctionnaire bien placé du Sindh, je sais que le gouvernement va jusqu’à financer les voyages de certains VIP de Youtube, avec escorte, chauffeur et hôtels en prime.
L’authenticité en prend un coup dans l’aile, mais il n’y a pas d’intégrité youtubeuristique à préserver alors chacun fait comme il le sent.

Qu’on ne s’y méprenne pas, je suis moi-même consommateur de ces vidéos de voyage, et j’apprécie l’ouverture sur le monde qu’elles portent et apportent jusque dans les coins les plus reculés.
On me demande souvent pourquoi je ne fais pas de même, pourquoi je n’utilise pas mon voyage pour gagner de l’argent et de la reconnaissance ?
Si je ne suis pas youtubeur, c’est parce que mon voyage est pour moi, avant tout.
Si j’explore un bazar, je veux le faire les mains dans les poches et le nez en l’air, à la recherche de nouvelles saveurs, plutôt qu'occupé à penser à ce qui rendra bien à la caméra.
Le problème quand on veut capturer l’instant présent, le sourire des enfants et les clins d'œil des commerçants, c’est que lorsqu’on lève le nez de l’écran pour le vivre, il est déjà passé.
De mon côté, je pratique la technique du sachet de thé: je me remplis d’eau chaude, et je vais vers la nouveauté, l’esprit libre et clair, pour laisser tomber dans la théière que j’ai entre les oreilles tout ce qui me marque.
Je laisse infuser quelques jours (ou quelques mois), avant de recracher le thé bien noir et bien sucré que l’altérité a teinté des gouts et des odeurs d’un pays lointain.

Et ça, ça ne rend pas bien en vidéo.

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In order to restore an image tarnished by the western media, and the fact of being the country that Osama Bin Laden chose to hide after September 11 (with the success we know), Pakistan has set up a policy that seems interesting to me.
In order to boost tourism in this very beautiful country which scares moms ( including mine), the government welcomes youtubers from all over the world, who come to show the "real Pakistan" and participate to the deconstruction of the clichés.
It is surprising for a backpacker to be asked 3 times a day if he is famous on Youtube, but you have to understand the locals! One out of two foreigners who come here does so partly for the clicks.
Having discussed this with a star of the platform whose name I won't mention, we can say that it's a win/win situation: Pakistan fascinates, and he told me he tripled his follower count on his first trip here. From the point of view of Pakistani officials, it is also a godsend! Professional tourists with millions of subscribers want to talk about their country, and replace the sensationalist TV channels that come only to talk about Kashmir and terrorism.
It seems disturbing to me, however, that the Ministry of Tourism in each province knows exactly which videographer is where, and to film what. I know from my own experience with a well-placed official in Sindh that the government goes so far as to finance the trips of some Youtube VIPs, with escort, driver and hotels as a bonus. Authenticity takes a hit, but there is no youtubeuristic integrity to preserve, so everyone does as he feels. Don't get me wrong, I'm a consumer of these travel videos myself, and I appreciate the openness to the world that they bring to the most remote corners.
People often ask me why I don't do the same, why I don't use my travel to earn money and recognition?
If I'm not a youtuber, it's because my trip is for me, first of all.
If I'm exploring a bazaar, I want to do it with my hands in my pockets and my nose in the air, looking for new flavors, rather than thinking about what will look good on camera.
The problem with capturing the moment, the children's smiles and the shopkeepers' winks, is that by the time you look up from the screen to experience it, it has already passed. For my part, I practice the tea-bag technique: I fill myself with clear hot water, and I go towards the new, with a free and virgin mind, to drop into the teapot between my ears everything that marks me.
I let it brew for a few days (or a few months), before spitting out the black and sweet tea that otherness has tinted with the tastes and smells of a distant country.

And that can’t look good on video.

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